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L’obligation de localisation du sportif ne méconnaît pas l’article 8 de la CEDH relatif au droit au respect de la vie privée et familiale :
Dans un très récent arrêt (CEDH, 18 janvier 2018, Fédération Nationale des Associations et des Syndicats Sportifs [FNASS] et autres c. France, req. n° 48151/11 et 77769/13), la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a jugé que le dispositif astreignant certains sportifs (Article 7 de l’ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage, créant l’article L. 232-15 du code du sport) à communiquer des renseignements complets, au début de chaque trimestre, sur leur localisation ainsi que, pour chaque jour, une période de soixante minutes durant laquelle ils seront disponibles pour un contrôle « hors les manifestations sportives et les périodes d’entrainement » (Article L. 232-5.3° du code du sport), ne viole pas les stipulations de l’article 8 de la Convention.
La contestation de l’obligation pour les sportifs de donner leur localisation afin de permettre des contrôles inopinés par les autorités participant à la lutte antidopage, en l’espèce l’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD), ne portait pas tant sur le principe même desdits contrôles que, d’une part, sur l’intensité de l’intrusion dans la vie privée et familiale et le domicile des athlètes qu’ils impliquent, d’autre part, sur la désignation d’un “groupe cible” (Articles L. 232-5-3° et L. 232-15 du code du sport) composé de sportifs choisis, pour une année, par l’AFLD (précisons qu’au moment de la saisine de la Cour par les requérants, l’inscription dans le groupe cible était illimitée.).
La question à laquelle la Cour de Strasbourg devait répondre était donc celle de savoir si l’ingérence, et le degré d’intensité de celle-ci, dans l’exercice par les requérants des droits découlant du paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales pouvait non seulement être justifiée par un ou des buts légitimes mais également être rendue nécessaire. Autrement dit, il lui revenait de dire si le dispositif mis en place par l’Etat français pouvait être qualifié d’équilibré au regard des enjeux et impératifs poursuivis par la mesure contestée.
Telle est bien la position de la Cour qui, notamment et sans que l’on puisse raisonnablement sans étonner, considère que la lutte antidopage entend répondre à des enjeux de santé pour les sportifs tant professionnels qu’amateurs et constitue un des moyens visant à garantir la loyauté des compétitions sportives que les juges rattachent à la « protection des droits et des libertés d’autrui ».
Justifiée par les fondements de la lutte antidopage, la localisation des sportifs via le système ADAMS (Anti-Doping Administration and Management System) est par ailleurs légitimée et, partant, considérée comme une ingérence nécessaire dans l’exercice des droits précités, d’abord, par les buts de santé publique, d’éthique sportive et d’exemplarité pour les jeunes sportifs dont elle concourt à la satisfaction, ensuite, par « l’existence d’une communauté de vues aux niveaux européen et international » sur la « nécessité d’opérer des contrôles inopinés ».
La CEDH estime donc que la France a « ménagé un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu et qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 8 de la Convention ».
Ce faisant, et sans minimiser l’ingérence en cause, l’arrêt de la Cour vient confirmer les différentes décisions rendues sur le sujet par le Conseil d’Etat qui ne voit dans l’obligation de localisation telle qu’elle est définie par les articles susmentionnés du code du sport aucune remise « en cause la liberté individuelle que l’article 66 de la Constitution place sous la protection de l’autorité judiciaire », ni aucune atteinte au principe d’égalité lequel « ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit » ; la Haute juridiction estimant aussi, de la même manière que la CEDH, que « ces dispositions ne portent à la liberté personnelle des sportifs et au respect de leur vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, que des atteintes nécessaires et proportionnées aux objectifs d’intérêt général poursuivis par la lutte contre le dopage, notamment la protection de la santé des sportifs ainsi que la garantie de l’équité et de l’éthique des compétitions sportives » (CE, 18 décembre 2013, Longo-Ciprelli, n° 364839 ; Voir également : CE, 10 octobre 2012, Delhomme, n° 357097).
On ne voit d’ailleurs pas comment la CEDH aurait pu juger différemment dans un contexte qui a fourni encore récemment de multiples preuves de la nécessité des contrôles inopinés avec le scandale de dopage ayant éclaté en Russie et la récente décision du 5 décembre dernier par laquelle le CIO a suspendu Comité olympique russe mais en permettant toutefois a certains sportifs sélectionnés de concourir sous la bannière « Athlète Olympique de Russie ».
Ecotaxe : le début de l’addition pour l’Etat?
Ecotaxe : Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise (TA Cergy-Pontoise, 18 juillet 2018, n° 1507487) juge que la résiliation du contrat de partenariat liant l’Etat à la société Ecomouv’ n’est justifiée par aucun motif d’intérêt général, l’Etat n’apportant des éléments nécessaires :
– ni pour considérer qu’un vice entachait la régularité du contrat ;
– ni pour soutenir utilement que la survenance de difficultés techniques lors de la conception et de la mise en œuvre du dispositif constitutif un motif légitime d’intérêt général dans la mesure où il ne détaille pas la nature desdites difficultés ou encore ne démontre pas en quoi elles auraient “empêché la bonne exécution du contrat de partenariat, au point d’en justifier la résiliation.”
L’Etat a donc commis une faute de nature à ouvrir un droit à réparation s’il est établi que la décision de résiliation, irrégulière, a causé un préjudice direct et certain aux entreprises, ici les 4 entreprises de télépéage ayant contracté avec Ecomouv’ et à l’origine des recours.
Le Tribunal juge que c’est le cas pour l’une d’entre elles et condamne l’Etat à lui verser plus de 10 millions d’euros. Pour les 3 autres, une expertise est ordonnée pour établir la réalité du dommage et le caractère direct et certain du lien entre le préjudice et la faute de l’Etat.